Quand on parle de jeunes Africains utilisant des smartphones, le récit dominant est que ces gadgets servent surtout de plates-formes de connexion pour que les utilisateurs puissent communiquer et partager des salutations et des informations via du texte et des images. Facebook, Instagram, Twitter, WhatsApp et Signal occupent la première place dans cette description, malgré leur côté plus sombre. Ce qui a peut-être été négligé, c’est la façon dont les smartphones affectent également d’autres aspects de la vie des jeunes. L’un des domaines est la communauté toujours croissante des paris sportifs en Afrique.
Le phénomène des paris sportifs chez les jeunes Africains a pris d’assaut la région. Des sondages récents et des rapports anecdotiques font état d’un sombre scénario, en particulier en Afrique subsaharienne. Une enquête GeoPoll de 2017 a révélé que jusqu’à 54 % des jeunes d’Afrique subsaharienne âgés de 17 à 35 ans ont pratiqué des jeux de hasard sportifs. Le Kenya, avec 74 % de participation à des paris sportifs, a de loin le pourcentage le plus élevé de jeunes participant à cette activité. L’enquête a été menée auprès de quelque 2 726 millenials africains en Afrique du Sud, au Ghana, au Kenya, au Nigéria, en Ouganda, en Tanzanie et en Tanzanie.
L’un des principaux moteurs de cette tendance a été l’omniprésence croissante de la téléphonie mobile sur le continent et la disponibilité des smartphones. A cela s’est ajoutée une plus grande connectivité – y compris l’accès par satellite aux matchs sportifs – et une population de jeunes en plein essor avec des taux de chômage élevés.
Dans la recherche sur le sujet, nous constatons que les paris sportifs ont apporté de nombreux maux aux jeunes en Afrique subsaharienne. Il s’agit notamment de la dépendance grave au jeu et du blanchiment d’argent. Certaines de ces préoccupations se manifestent également dans d’autres parties du monde. Il s’agit notamment de la dépendance aux smartphones et d’un phénomène étroitement lié : la dépendance à Internet. Ces maux mènent à leur tour à des niveaux accrus d’anxiété sociale et de solitude au sein de la population touchée.
Les drivers ?
La pénétration des smartphones sur tout le continent a affiché un taux de croissance remarquable. Le Cameroun, par exemple, comptait 72 % d’utilisateurs enregistrés de réseaux sociaux parmi les 15-24 ans en 2016. Ce taux est passé de 43 % au premier semestre de cette année-là à ce niveau. Les réseaux sociaux les plus populaires pour cette communauté étaient Facebook, Google+, Instagram et Twitter. Cette évolution intervient à un moment où l’intérêt pour les paris sportifs – l’option de jeu la plus populaire chez les jeunes Africains – ne cesse de croître.
Les téléphones portables sont la voie privilégiée pour les paris sportifs.
Bien sûr, la disponibilité croissante des smartphones libère le potentiel d’innovation de nombreux jeunes d’Afrique subsaharienne. La pléthore de plateformes de médias sociaux a le potentiel de changer des vies partout sur le continent. De nombreuses adaptations aux médias sociaux sont le résultat de l’ingéniosité de jeunes subsahariens, comme M-Pesa, Ensbuuko et WorldRemit (services financiers) ; ButterflyiQ, Momconnect, Usalama (santé et sécurité) ; Cityaps, Musanga et Twiga Foods (plateformes logistiques) ; et Ushahidi, tajirat al-Facebook et WhatsApp de Kano (pour renforcer la cohésion sociale).
Un autre moteur est le marketing intelligent et les progrès technologiques – l’espace de télévision numérique par satellite à travers le continent diffuse les événements sportifs des clubs africains et des ligues européennes populaires de football. Au Ghana, au Kenya, au Nigeria et dans une grande partie de l’Afrique subsaharienne, l’avènement de la DStv (télévision numérique par satellite) et d’autres plates-formes de diffusion ont amené des matches de championnat étrangers dans des centres de téléspectateurs et donc à la porte des personnes qui, seules, ont du mal à se permettre de regarder des matches de championnat dans leurs foyers respectifs.
Ces centres de visionnage se trouvent dans les coins et recoins des centres urbains de tous ces pays. A leur tour, les fans des plus grands clubs du monde comme le Real Madrid, Manchester United, Arsenal, Chelsea, Barcelone, Manchester City, Liverpool, Bayern Munich, Dortmund, Juventus et Paris Germain peuvent suivre les performances de leurs équipes sans jamais avoir à se rendre dans ces clubs.
Un troisième facteur est le gonflement de la jeunesse en Afrique. Le continent a la population la plus jeune du monde, avec environ 60 % de la population âgée de moins de 25 ans. Sur les 420 millions de jeunes en Afrique aujourd’hui, la majorité sont au chômage, ont des emplois précaires ou occupent un emploi occasionnel. Pour beaucoup de gens sur le continent, la publicité habile des sociétés de paris sportifs constitue une proposition irrésistible.
Via The Conversation